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L’indépendance des banquiers centraux sous pression politique grandissante

La scène se déroule mardi 2 juillet, dans un hôtel de luxe à Sintra, près de Lisbonne, au Portugal. Sur l’estrade, trois des principaux banquiers centraux de la planète donnent une conférence : Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Jerome Powell, patron de la Réserve fédérale américaine (Fed), et Roberto Campos Neto, gouverneur de la Banque centrale du Brésil. Tous trois sont, à leur manière, sous pression, au cœur des colères politiques. Après quatre décennies à voir leur indépendance renforcée, « le vent est en train de tourner », estime Davide Romelli, économiste à l’université Trinity College, à Dublin.
Le gouverneur brésilien est, depuis des mois, en proie aux attaques virulentes du président Luiz Inacio Lula da Silva, qui l’accuse d’être son « adversaire » parce qu’il maintient des taux d’intérêt jugés trop élevés – actuellement à 10,5 %. « [M. Campos Neto] a un biais politique. Son travail fait plus de mal que de bien au pays », tonnait encore Lula, deux semaines plus tôt.
Aux Etats-Unis, Jerome Powell, pourtant nommé à ce poste en 2017 par Donald Trump, est la cible régulière de l’ancien locataire de la Maison Blanche, qui l’accuse de favoriser les démocrates. Le thème revient sans cesse et le candidat républicain à la présidence l’a encore répété en conférence de presse, vendredi 9 août : « Le président devrait au moins avoir son mot à dire [dans les décisions de la Fed]. Je le crois très fort. Dans mon cas, j’ai gagné beaucoup d’argent, j’ai eu beaucoup de succès, et je crois que mon instinct est souvent meilleur que les gens qui sont à la Réserve fédérale. » Le milliardaire a promis de ne pas reconduire M. Powell pour un troisième mandat quand celui-ci arrivera à échéance, en mai 2026.
Pour la BCE, les pressions sont d’un autre genre. Début juillet, avant le second tour des élections législatives en France, la question consistait à savoir si elle viendrait à la rescousse d’un gouvernement en cas de panique sur les marchés. Mme Lagarde évitait soigneusement de répondre, mais elle savait qu’elle serait inévitablement au centre des débats en cas de décrochage français. Par ailleurs, ces dernières années, Emmanuel Macron s’est permis, à plusieurs reprises, de critiquer l’institution de Francfort. En avril, le président français estimait ainsi que le mandat de la BCE, centré sur l’inflation, était « caduc », et qu’il était « indispensable » d’y ajouter « un objectif de croissance, voire de décarbonation, en tout cas de climat ».
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